Le syndrome d’épuisement professionnel, appelé également burnout ou « Burnout Syndrom » (BOS), peut être observé chez le personnel soignant à toutes les étapes de leur carrière. Durant la crise COVID, les médias ont porté une grande attention aux conditions de travail souvent difficiles des soignants, aussi bien dans des établissements hospitaliers qu’en exercice libéral.
L’incidence du syndrome d’épuisement professionnel chez les professionnels de la santé a augmenté ces dernières années et varie selon les pays et selon les domaines de spécialisation et les unités de travail. On sait que le syndrome d’épuisement professionnel affecte de manière significative le travail et la vie sociale des individus.
Dans cet article, je souhaite vous présenter plusieurs études sur la souffrance au travail des soignants, ce sera l’occasion de vous présenter le modèle le plus couramment utilisé pour identifier l’existence d’un burnout : le Maslach Burnout Inventory (MBI).
Qu’est-ce que le burnout ?
Le syndrome d’épuisement professionnel (Burnout Syndrom) a été décrit pour la première fois par le psychologue Herbert J. Freudenberger en 1974 et est défini comme la réponse au stress à long terme dû aux conditions de travail défavorables du lieu de travail.
De nombreux chercheurs ont travaillé sur le sujet, notamment Christina Maslach (La mesure de l’épuisement professionnel, 1981) qui définit l’épuisement professionnel comme un symptôme de dimensions physiques et psychologiques.
Selon ce chercheur, les personnes qui éprouvent un burnout vont exprimer des attitudes négatives envers leur travail, leur vie et dans leurs relations aux autres. Cela serait le résultat de l’épuisement au travail, avec une énorme fatigue physique et psychique, ainsi qu’un sentiment profond de désespoir.
Le syndrome de burnout peut toucher les salariés de tous les secteurs d’activité, et tout particulièrement dans le milieu médical où les professionnels de la santé expriment un mal-être à chaque étape de leur carrière.
Le Maslach Burnout Inventory (MBI)
Bien qu’il existe différents modèles développés pour mesurer l’épuisement professionnel, le modèle le plus couramment utilisé est celui développé par C. Maslach : le Maslach Burnout Inventory (MBI).
L’épuisement professionnel y est généralement décrit comme une insensibilité envers les autres, un sentiment d’épuisement émotionnel, une diminution de la compétence personnelle et du sentiment d’accomplissement chez les professionnels qui travaillent en étroite collaboration avec d’autres personnes.
Selon ce modèle, il existe trois sous-dimensions différentes de l’épuisement professionnel :
- L’épuisement émotionnel (EE)
- La dépersonnalisation (DP)
- Un sentiment d’accomplissement réduit (AP)
Le Maslach Burnout Inventory (MBI) est encore accepté comme référence aujourd’hui pour déterminer la gravité et le risque d’épuisement professionnel.
Des chiffres sur l’épuisement professionnel chez les soignants
Pour appuyer notre propos, voici plusieurs études utilisant le Maslach Burnout Inventory (MBI) pour déterminer l’incidence de l’épuisement professionnel parmi les professionnels de la santé. Les cas de burnout chez les soignants varient selon les pays, allant de 25 % à 75 %, selon les différents domaines de spécialisation et les unités de travail.
Dans une étude menée auprès de chirurgiens français, d’infirmières et d’assistants de santé, les taux de souffrance au travail sont d’environ 30 à 50 %. La fréquence des BOS (Burnout Syndrom) chez les médecins varie selon les branches et les unités de travail.
Une autre étude menée aux Etats-Unis sur 665 chirurgiens a montré une diminution de 16 % du sentiment d’accomplissement professionnel (AP), un épuisement émotionnel (EE) de 57 % et des expériences de dépersonnalisation (DP) avoisinant les 50 %.
Dans une étude menée auprès de 370 professionnels de la santé en Turquie en 2017, le taux d’épuisement professionnel était de 61,2 %. Il été rapporté que l’épuisement professionnel était associé à la profession, à la durée de l’emploi à l’hôpital et au niveau d’éducation. Le taux d’AP réduit était de 21 %, l’EE était de 14 % et la DP était de 4 % dans une étude menée auprès de 171 infirmières en hémodialyse en Turquie en 2016.
Le burnout touche-t-il autant les femmes que les hommes ?
Les femmes semblent davantage touchées par le burnout, 73 % chez les femmes et 65 % chez les hommes. Pour autant, la relation entre l’âge et le sexe et le syndrome d’épuisement professionnel est controversée, car bien que de nombreuses études aient indiqué qu’il n’existe pas de relation significative entre les niveaux d’épuisement professionnel et le sexe et l’état matrimonial, les résultats obtenus dans ces études sont contestés.
L’examen de 15 études sur l’épuisement professionnel a révélé qu’il n’y a pas de relation entre l’épuisement professionnel et le sexe. Cependant, de nombreuses études ont rapporté que la fréquence de DP est plus élevée chez les hommes que chez les femmes. Il existe également des études qui ont rapporté des taux de burnout plus élevés chez les femmes.
Le rythme de travail est-il responsable de l’épuisement professionnel ?
La relation entre le risque de développer un burnout et le rythme de travail a été rapportée dans de nombreuses études (McMurray JE, Linzer M, Konrad TR, Douglas J, Shugerman R, Nelson K, 2000).
Il a été souligné que la réduction du temps de travail entraînerait une meilleure qualité de vie et, par conséquent, une diminution de l’incidence du burnout. Le personnel des unités d’urgence et de soins intensifs aurait des taux de souffrance au travail plus élevés que les autres professionnels de la santé.
Le personnel des soins intensifs a également des taux plus élevés de burnout en raison des conditions de travail et de l’exposition au stress élevée. Les travailleurs des salles d’urgences auraient des taux plus élevés d’épuisement pour diverses raisons, telles que des conditions de travail stressantes, la rencontre d’un large éventail de patients et de maladies, ainsi que d’un rythme soutenu imposé par les établissements de santé.
Quelles sont les conséquences à long terme d’un burnout ?
De nombreuses études rapportent que l’épuisement professionnel affecte l’expérience et l’accomplissement personnels de l’individu. De plus, des facteurs tels que le stress dans la vie privée et la vie familiale jouent un rôle dans le développement d’un syndrome de burnout à long terme.
Des conséquences psychologiques et physiques
La souffrance au travail réduit non seulement le sentiment d’accomplissement des soignants qui perdent peu à peu la passion pour leur métier, mais augmente également le risque de développer des pathologies : somatiques et psychiques.
Dans une étude menée aux États-Unis, il a été constaté que les médecins diagnostiqués avaient une prévalence plus élevée de prescriptions d’antibiotiques pour les infections aiguës des voies respiratoires supérieures. Dans une autre recherche clinique (Burnout syndrome should not be underestimated, Yılmaz Güler, 2019) un total de 9 employés ont été admis à l’hôpital en raison d’une maladie infectieuse au cours de la dernière année avec différents diagnostics (pneumonies, bronchites, cholécystite, gastro-entérite et amygdalite cryptique).
Un total de 43 professionnels de santé avaient des antécédents de traumatisme au cours de la dernière année (chutes, petits accidents domestiques, accidents de la route, fractures osseuses, brûlures et traumatisme des tissus mous dû à une entorse).
À la suite de l’analyse statistique, parmi les employés qui avaient des antécédents de 4 maladies infectieuses ou plus au cours de la dernière année et ceux qui avaient dû être hospitalisés en raison de maladies infectieuses au cours de la dernière année, les taux d’épuisement émotionnel et de dépersonnalisation étaient significativement plus élevés que dans le groupe sans antécédent de maladie infectieuse et d’hospitalisation au cours de la dernière année.
Des effets néfastes sur la relation patient-soignant
Ainsi, le syndrome d’épuisement professionnel est un problème courant et important chez les professionnels de la santé ; il a également des effets néfastes sur la vie quotidienne des gens, notamment en augmentant l’incidence des infections et des traumatismes. Le burnout peut entraîner de graves problèmes de santé, comme le montre les différentes études présentées ci-dessus.
Bien évidemment, cette situation préoccupante a des répercussions sur l’interaction des professionnels de santé avec les patients et entraîne des dysfonctionnements au sein des établissements de soins.
Pour aller plus loin sur le sujet :
Burnout syndrome should not be underestimated